La grande transformation du développement des compétences : l’exemple du Groupe Renault

La grande transformation du développement des compétences : l’exemple du Groupe Renault

Face aux grands enjeux économiques et environnementaux du XXIe siècle, les organisations et leurs collaborateurs doivent acquérir très vite de nouvelles compétences. Cela s’est déjà produit dans l’Histoire, mais jamais aussi vite ni à une échelle aussi massive. Les entreprises sont engagées dans une course à l’innovation pour faire face à ces enjeux et les outils de la Learning Tech occupent une place centrale dans ce mouvement. Patrick Benammar, VP du Groupe Renault chargé du Learning & Development, a exposé au salon Learning Tech sa vision de la transformation des compétences, en 3 indicateurs, 3 atouts technologiques et 3 changements impactant le métier de responsable formation.



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Quelles conséquences pour la politique de développement des compétences ?

Pour relever ces défis, le Groupe a mis en place un plan stratégique, la RENAULUTION, qui inclut une réflexion approfondie sur la transformation des métiers et de l’organisation. L’objectif est de construire l’offre de mobilité de demain. D’abord avec de nouveaux véhicules électriques et hybrides, qui ont déjà commencé à être produits ; ensuite avec une « nouvelle offre de service complète dans le domaine de la mobilité », s’appuyant sur des partenariats avec des entreprises technologiques, dans le cadre de la Software République.

Pour Patrick Benammar, le Learning & Development a pour tâche « d’accompagner nos collaborateurs dans ces évolutions, de développer leur employabilité par l’acquisition de nouvelles compétences, de les aider à visualiser les métiers de demain » pour susciter l’envie de se former.

Mais l’enjeu est également de développer l’offre de formation permettant de répondre à ces nouveaux besoins. En matière d’économie circulaire, par exemple, « il existe beaucoup de formations généralistes, mais peu d’offres portant spécifiquement sur les métiers de l’industrie et de la conception. » Il faut donc les créer pour former les collaborateurs du Groupe et d’autres acteurs de la filière automobile, voire d’autres acteurs industriels concernés par la mobilité du futur. C’est le rôle de la ReKnow University, dont Patrick Benammar porte la responsabilité.

Développer cette nouvelle offre est critique pour Renault comme pour l’ensemble du secteur. « Si nous ne le faisons pas », poursuit-il, « nous risquons de nous retrouver dans la situation que connaît la cybersécurité aujourd’hui, avec 15 000 demandes de postes et aucun candidat en face ». Les enjeux en matière d’upskilling et de reskilling sont donc stratégiques.

3 indicateurs pour suivre la transformation des compétences

D’un point de vue opérationnel, comment suivre les progrès accomplis dans la poursuite de ces objectifs ? Quels indicateurs privilégier ? Patrick Benammar en identifie 3 principaux.

  • La faculté à « faire bouger des salariés d’un poste vers un nouveau poste qui n’existait pas auparavant ». Autrement dit, la capacité de reskilling. Un exemple : la Refactory de Flins, « un site qui produisait des ZOE et des Nissan Micra, engagé dans une trajectoire pour devenir une usine 100% dédiée à l’économie circulaire ». Parmi les projets, la création de la Factory VO, un site industriel qui remet en état des véhicules pour les remettre sur le marché de l’occasion. Il a donc fallu « amener des gens qui venaient des métiers de la production vers ceux du reconditionnement de véhicules et de la réparation », avec des parcours de formation allant jusqu’à 450 heures.
  • Le nombre de personnes formées aux nouvelles thématiques. Chez Renault, celles-ci incluent « l’économie circulaire, la cyber, l’électrification du véhicule, le software, l’IA et tout ce qui concerne la data. Nous suivons les parcours et les formations dans notre LMS [Cornerstone] », ce qui permet de mesurer chaque année la progression des compétences du Groupe sur l’ensemble de ces sujets. Tous les niveaux de formation sont pris en compte, de la sensibilisation, à la montée en compétences et jusqu’à la spécialisation la plus pointue. Et le champ de ce qui est inventorié ne fait que s’étendre : si le tutorat et une partie de la formation en situation de travail échappent encore à la plateforme digitale de formation, Patrick Benammar est bien décidé à « mieux capter » ces modalités de formation, « pour mieux les modéliser et pouvoir les proposer aux collaborateurs ».
  • L’essaimage de l’offre interne au sein de dispositifs externes de formation. C’est le signe que le Groupe contribue à la montée en compétences de tout le secteur. « Nous avons constitué ainsi des briques de formation qui ont été intégrées à des parcours académiques, par exemple avec le Cnam, ou avec le CFA Ingénieurs 2000. » Le processus bénéficie in fine au Groupe avec des promotions de diplômés qui pourront rejoindre les rangs de l’entreprise - par exemple pour la fabrication de moteurs électriques.

Les 3 atouts des « Learning Technologies »

Sans les évolutions de la technologie entourant la formation, ces défis pourraient difficilement être relevés. Pour Patrick Benammar, la digitalisation de la formation a démultiplié les capacités de l’entreprise sur 3 niveaux.

  • La personnalisation des parcours. « Dans le passé, quand nous avions des chantiers de reskilling de ce type, nous faisions de la formation en masse. Il y avait un parcours, et tout le monde le suivait. Aujourd’hui, nous pouvons regarder davantage l’historique de la personne » et en tenir compte. Tout le monde ne part pas du même endroit : « sur les lignes de production, certains ont des qualifications en électricité, en mécanique… Pour les amener vers un métier de carrossier ou de retoucheur, plutôt sur de leur imposer un parcours de 450 heures », il est possible d’évaluer leurs compétences pour pouvoir leur construire un parcours sur-mesure. Désormais, « nous pouvons gérer des parcours individualisés dans une logique de masse » : c’est l’un des grands apports du digital.
  • Les formations immersives, en réalité virtuelle ou augmentée. « Aujourd’hui, par exemple, nos collaborateurs peuvent apprendre la peinture en réalité virtuelle, il n’y a pas besoin d’installer une cabine de peinture dédiée à la formation sur un site. » C’est un gain financier, un gain de temps et de performance. Le déploiement est rapide, et le virtuel permet d’éviter certaines contraintes physiques – comme le nettoyage des outils, dans l’exemple de la peinture. « Tous nos sites forment les peintres en réalité virtuelle », à la grande satisfaction des apprenants. Auparavant, « sur une journée de 7 heures, ils passaient 4 heures en formation et 3 heures à nettoyer… » Par ailleurs, la formation peut « avoir lieu dans le flux de travail : aujourd’hui, si j’ai un geste particulier sur lequel je dois me former, je vais aller 15 minutes dans la salle de formation, puis revenir sur la ligne pour réaliser la pièce. Nul besoin d’arrêter la ligne de production ».
  • La création de contenus au plus près du terrain. « Il est facile aujourd’hui de créer du contenu et de le faire évoluer » en fonction des nouveautés, de façon très réactive, via des outils dédiés. Il s’écoule « beaucoup moins de temps entre les changements » intervenant dans le métier « et leur prise en compte par la formation ». Celle-ci est aussitôt déployée, et les nouveaux arrivants bénéficient toujours de la version la plus à jour. La transformation des compétences s’est accélérée.

Les 3 changements du métier de responsable L&D

La transformation digitale de la formation implique à son tour une mutation du métier de responsable formation et développement. Comme le rappelle Corine Bidallier, beaucoup de professionnels d’aujourd’hui se souviennent d’une époque où « le service formation travaillait en silo, sans parler à l’équipe talents » ni aux autres parties prenantes du développement des compétences. Comment ont-ils évolué aujourd’hui ? Il y a au moins 3 changements majeurs, selon Patrick Benammar.

  • La révolution des compétences. Il y a encore peu de temps, « on raisonnait en effectifs » : on recrutait des professionnels et on partait du principe qu’ils « faisaient le job ». Pour Patrick Benammar, « un virage s’est opéré ces dernières années dans la façon dont les dirigeants raisonnent : ils se demandent désormais ‘de quelles compétences ai-je besoin pour pouvoir mener à bien le business de demain’ ? » ; et ils se posent les questions opérationnelles qui en découlent : quels moyens déployer pour maintenir ou développer lesdites compétences ?
  • La révolution des données : les outils digitaux comme le LMS, les plateformes digitales de formation, ont « fait sauter beaucoup de verrous ». Beaucoup de choses impossibles ou très difficiles hier sont devenues faciles : déployer des formations en masse, mais aussi suivre leur déploiement et faire des reportings. « Il y a quelques années, le simple fait de consolider les données de formation pouvait prendre jusqu’à 3 mois ». Aujourd’hui, il est possible de savoir où l’on en est à chaque instant. Et cette maîtrise des données a permis aux responsables L&D de « gagner en crédibilité auprès des dirigeants ». Parallèlement, la profession est montée en compétences sur ce sujet, en s’équipant et en s’adjoignant les services de « data analysts ».
  • La prise de conscience par les dirigeants : Patrick Benammar « a vu arriver une génération de dirigeants qui ont une vision différente », plus sensibles au sujet Learning & Development, prêts à investir dans les compétences sur le long terme, en évitant les à-coups liés à la conjoncture. C’est particulièrement le cas dans une industrie comme l’automobile, marquée par une cyclicité très forte, avec une alternance de périodes de croissance et de décroissance. L’investissement dans la formation fait partie des leviers essentiels pour assurer le « lissage » de ces hauts et ces bas et anticiper le développement.


Renault a inscrit la capacité des équipes à apprendre et à se développer parmi ses 5 principes du Renault Way. La ReKnow University, logiquement, a été placée sous la responsabilité des RH – mais avec le support constant des métiers. Ce témoignage, pour nous, est emblématique d’un nouveau modèle de L&D qui se met en place dans les entreprises, en particulier celles qui sont les plus immédiatement concernées par la transition environnementale. Et c’est en grande partie la puissance des outils digitaux qui rend possible cette transformation.




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