Depuis plusieurs semaines, la crise générée par l’épidémie de coronavirus a créé une situation exceptionnelle. Si elle paralyse l’économie mondiale, cette crise met en lumière l’importance du travail des femmes, qui se retrouvent en première ligne. En effet, aide-soignante, infirmière, aide à domicile, agente d’entretien ou caissière sont des métiers majoritairement féminins. Alors qu’elles sont mobilisées et plus que jamais exposées, les femmes gagnent, selon l’Observatoire des inégalités, 18,5 % de moins que les hommes. Heureusement, il n’a pas fallu attendre le confinement pour s’en émouvoir. En effet la Journée des droits des femmes 2020 qui avait pour thème : « Je suis de la Génération Égalité : levez-vous pour les droits des femmes » fut massivement suivie par des milliers de femmes et d’hommes manifestant à travers le monde. Malgré cela l’inégalité perdure.
Serait-il fou d’espérer voir ce sujet porté non plus seulement par les femmes, mais par la société civile et le monde de l’entreprise ? Malgré tout les choses semblent évoluer positivement, comme le montre la création de l’Index de l’égalité professionnelle en 2019.
Pour autant, aucune des 40 plus grandes entreprises cotées n’a une femme comme PDG alors qu’elles représentent 33 % des postes d’encadrement des cadres selon une étude de l’observatoire Skema. Le vivier de talents semble donc être pourtant là.
Une étude réalisée par McKinsey en 2017 sur un échantillon représentatif de 300 entreprises dans le monde souligne que celles-ci comptant le plus de femmes dans leur comité exécutif affichent des rendements de capitaux propres et des résultats d’exploitation supérieurs respectivement de 47 % et 55 %. Ce que démontre cette étude c’est que la sous-représentation des femmes en entreprise, si elle ne provient pas d’un manque de compétences de leur part, est un problème plus profond et structurel.
Égalité femmes-hommes, traiter le mal à la racine
Une étude publiée en mars 2019 par le Conseil Supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes démontre que les inégalités de genre débutent bien avant la prise de poste. Tout commence dès la rédaction de l’offre d’emploi à travers le vocabulaire utilisé. Celui-ci peut implicitement renvoyer aux stéréotypes sexistes et influer sur la perception de l’emploi à pourvoir et par conséquent sur la motivation des candidatures féminines à ce poste.
Par ailleurs, une étude menée par LinkedIn explique que les femmes consulteraient davantage d’offres d’emploi que les hommes, mais postuleraient beaucoup moins qu’eux. La raison est simple : pour postuler, une femme estime qu’elle doit être en accord avec 100 % des compétences demandées, là où un homme se contentera de 60 %. Sans s’en rendre compte, il est donc facile de discriminer les genres. Seule une rédaction des offres d’emploi avec des mots neutres et non clivants permettrait déjà de limiter les mécanismes d’autodiscrimination.
Il convient d’évaluer les motivations qui sous-tendent les choix de recrutements — ceux-ci doivent être factuels, et non pas simplement permettre de cocher des cases de diversité dans l’entreprise. Une importance trop grande donnée aux quotas pourrait être préjudiciable, car ceux-ci peuvent donner l’impression qu’elles ont obtenu le poste pour leur genre plutôt que pour leurs compétences.
Diaboliser ou comprendre ?
Le recrutement effectué, les inégalités de genre perdurent. Une fois en poste, l’Insee souligne que, quelle que soit l’ancienneté, les écarts en termes de progression de carrière et de salaire se creusent.
Nonobstant les politiques RH mises en place, la persistance du plafond de verre dans les entreprises peut être due à plusieurs facteurs tels que des résistances sociales et organisationnelles ou des effets de réseau qui entravent, limitent et retardent l’insertion professionnelle et l’avancement des femmes.
À l’instar des hommes, les femmes doivent prendre conscience de la nécessité de se soutenir. Le mentorat « genré » peut être une solution. Ainsi, encourager cette pratique pourrait aider les femmes à se sentir à la fois plus sûres et plus ambitieuses pour leur avenir.
Il peut également y avoir une forme de sexisme quotidien, celui qu’on prend à la légère et qui est trop souvent banalisé. Qu’il soit visible ou se niche sous des remarques bienveillantes, le sexisme peut prendre des formes très diverses. Il est parfois tellement intégré dans la culture de l’entreprise et les habitudes qu’il est difficile à reconnaître. Au-delà de l’éducation de chacun, la formation permettrait aux employés et aux cadres de comprendre et déjouer les attitudes, propos et comportements litigieux.
Responsabiliser et ne pas être condescendant
Si les intentions sont louables, les initiatives et les tentatives de lutte contre l’inégalité peuvent parfois être perçues comme peu encourageantes. Le traitement des femmes doit être identique à celui des hommes : juste et sans différenciation, au risque de perpétuer le clivage.
Plutôt que de faire reposer la responsabilité de la politique d’égalité homme/femme sur une seule personne au sein du département RH, il est préférable d’y impliquer la sphère d’influence de l’entreprise et d’y intégrer ses aspects multiculturels. Il est important pour les collaborateurs de savoir que leurs hiérarchies prennent au sérieux ces problèmes, de façon collective.
Ce n’est qu’avec une démarche volontariste de changer profondément les attitudes et les approches que nous pourrons parvenir à une véritable égalité. Et ce afin qu’un jour cette Journée internationale de la femme appartienne définitivement à un temps révolu.