Les difficultés de recrutement en France ont atteint des niveaux inédits en 2023. Selon l’enquête Besoins de main-d’œuvre 2023 de Pôle emploi, 61% des recrutements sont jugés difficiles par les entreprises, un sommet historique : en 2015-2016, le chiffre était de 32%. Dans un tel contexte, la fonction recrutement devient, tout simplement, stratégique. Mais savoir recruter ne suffit pas : il faut aussi savoir retenir. Quand le talent devient une ressource rare, aucun aspect de son management ne peut être laissé au hasard.
- Soigner l’expérience candidat…
- Soigner aussi l’expérience collaborateur
- La marque employeur, label d’excellence managériale
Soigner l’expérience candidat…
C’est un signe qui ne trompe pas : le marché du digital RH s’enrichit chaque jour d’une nouvelle solution dédiée à tel ou tel aspect de la fonction recrutement. Sourcing via l’intelligence artificielle, évaluation des soft skills, CV automatique, matching affinitaire, notation d’employeurs, sites carrière intelligents, entretiens vidéo, interfaces d’employee advocacy … Les prestataires rivalisent d’innovation pour améliorer tel ou tel aspect du processus de recrutement – parfois au détriment de la vision d’ensemble et de l’efficacité.
Sur nombre de métiers et de bassins d’emplois, le rapport de force est inversé, et le demeure encore aujourd’hui. Une partie du problème vient de la conjoncture, mais il y a aussi des raisons structurelles. Le tassement de la population active, le déficit de formation et donc d’offre de travail sur certains métiers, l’augmentation de la demande dans certains secteurs (comme tout ce qui a trait aux personnes âgées) déséquilibrent de larges pans du marché du travail en défaveur des recruteurs. Selon une étude Ifop/Yaggo, 58% des actifs estiment que le marché de l’emploi favorise aujourd’hui les candidats, et même 66% chez les cadres.
On juge un arbre à ses fruits : 80% des candidats estiment que le parcours de recrutement dans une entreprise donnée est représentatif de la manière dont les salariés y sont traités. Une organisation dont le processus d’embauche est opaque, laborieux ou inutilement procédurier a de grande chance d’être perçue comme peu accueillante pour ses collaborateurs. Ce n’est peut-être pas entièrement rationnel : mais il est essentiel de le savoir.
On sait que les candidats n’aiment pas les processus trop longs, sur lesquels ils n’ont pas de visibilité – et par ailleurs plus la phase d’embauche dure, plus il y a de chances pour que le candidat aille ailleurs. Mais certains freins sont plus inattendus : selon la même étude, l’élément dissuasif le plus souvent cité (par 54% des candidats) est la demande d’un CV en vidéo. Les organisations qui croient moderniser leurs méthodes de recrutement en demandant ce type de présentation font en réalité fuir les candidats !
Soigner aussi l’expérience collaborateur
Le fait que les candidats tirent des conclusions sur les entreprises à partir de leur expérience du recrutement entraîne au moins 2 leçons. La première, la plus évidente, est qu’il faut soigner son expérience candidat. À la fois pour attirer les talents, mais aussi pour promouvoir sa marque employeur : un candidat même non retenu, pour une raison ou pour une autre, pourra jouer le rôle d’ambassadeur naturel de l’image de l’entreprise en tant que collectif de travail.
Mais la seconde leçon est encore plus importante. Un candidat qui vivra une expérience de recrutement positive s’attendra à ce que cette expérience se poursuive au sein de l’organisation. La promesse employeur doit être tenue. Et ce n’est pas toujours le cas : il y a 12 ans, selon une étude souvent citée de la Dares (janvier 2015), 36% des CDI se terminaient avant leur premier anniversaire. Nous n’avons malheureusement pas de chiffres plus récents, mais il y a peu de chances pour que la situation se soit significativement améliorée. Que ces fins prématurées soient du fait de l’employeur ou du salarié, c’est toujours un échec de recrutement. Et on sait combien l’échec d’un recrutement est coûteux.
La qualité de l’expérience candidat n’est donc un atout qu’à condition de refléter celle de l’expérience collaborateur. Et celle-ci ne se limite pas à la qualité de vie au travail et aux avantages matériels. Le premier facteur de rétention, c’est le sentiment d’avoir un avenir dans l’entreprise. D’où l’importance de savoir développer et faire vivre un marché de l’emploi interne dynamique au sein de l’organisation. Avec tout ce que cela implique en matière de gestion des parcours et des ressources humaines :
- connaître et cartographier les compétences disponibles en interne ;
- être en mesure de proposer des formations adaptées pour compléter les profils et accompagner les mobilités ;
- faire en sorte que les opportunités d’emploi interne soient connues et accessibles des collaborateurs.
La marque employeur, label d’excellence managériale
On le voit, la fonction recrutement va aujourd’hui bien au-delà de ce qu’elle était il y a encore 10 ou 20 ans. Il ne s’agit plus simplement de rédiger une offre d’emploi et de la publier sur quelques supports adaptés, ainsi que subsidiairement sur l’intranet, pour ensuite attendre le chaland. Recruter implique aujourd’hui de savoir manier de grandes quantité de données, utiliser l’intelligence artificielle pour leur donner du sens mais aussi pour extraire les compétences des CV et les matcher, jongler avec le marché intérieur et extérieur des talents, en étant proactif, agile et vigilant.
Mais le recruteur est comme le commercial : il ne fait pas de miracles. Le produit qu’il vend doit être bon, et surtout il doit être conforme à sa description. C’est le rôle de la marque employeur, qui doit encapsuler tout ce que le candidat et le salarié peuvent s’attendre à vivre au sein de l’entreprise : son degré d’autonomie, le type de management dans lequel il évoluera, l’organisation du travail et son degré de souplesse, les perspectives de développement des compétences et d’évolution professionnelle. Et la demande majoritaire du marché est aujourd’hui sans ambiguïté : les salariés veulent de l’empowerment, avoir de l’influence sur le cours des choses et de leur vie, de l’autonomie dans l’organisation de leur travail, du soutien et des ressources pour accomplir leurs missions de façon performante et donc épanouissante.
Les bonnes compétences au bon moment, au bon endroit, dans un contexte où les métiers changent en permanence et où la concurrence sur les talents fait rage : la gestion du capital humain relève aujourd’hui de la quadrature du cercle. Les outils technologiques et conceptuels dont les organisations ont besoin dépassent de loin les équipements traditionnels. Dans le même temps, il faut arriver à mettre de la cohérence dans le foisonnement des solutions nouvelles. C’est toute l’ingénierie de la Talent Marketplace qui est en jeu : un sujet stratégique s’il en est.
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