« L’ubérisation de l’économie » voilà ce que l'on on entend sur toutes les lèvres pour caractériser cette nouvelle économie autour des plateformes collaboratives comme Uber, ManoMano, BlaBlacar ou encore Deliveroo.
En 2017, ils étaient plus de 2,8 millions en France à occuper ce type de postes et leur nombre augmentera dans les années à venir. Selon les prévisions de croissance, le marché représentera, d’ici 2025, 83 milliards d’euros en Europe, la France faisant partie des pays avec le plus d’acteurs concernés, devant l’Allemagne.
Une réponse à un marché en pleine mutation ?
Le recours à ces nouveaux procédés de recrutement permet aux entreprises, comme aux travailleurs de bénéficier de plus de souplesse et de précision pour faire correspondre les envies des indépendants aux demandes des entreprises.
Pour ces dernières, le statut d’indépendant peut offrir un avantage financier, notamment sur les dépenses transactionnelles liées aux contrats qui sont moins importantes pour un travailleur indépendant que pour un salarié. D’autre part, cette forme de flexibilité à l’embauche est une manière d’attirer plus facilement les profils ayant une expertise particulière et qui répondent aux besoins spécifiques d’un projet.
Pour les travailleurs indépendants, ce statut leur laisse plus de liberté pour s’organiser notamment dans la gestion de l’équilibre entre leur travail et leur vie privée. Mais aussi c’est l’occasion pour eux de mettre à profit leur palette de compétences simultanément au profit d’activités et de projets variés.
Selon une récente étude du cabinet de recrutement Korn Ferry, d’ici 2030, la France pourrait être confrontés à une pénurie de compétences qui concernerait 1,5 million de postes. Si cette prévision tend à s’installer dans l’hexagone, certains secteurs d’activités devront s’adapter et embaucher davantage d’experts indépendants tout en investissant sur la formation de leurs salariés pour combler ce déficit et répondre aux enjeux du marché.
Un statut de salarié remis en question ?
Si ce phénomène a modifié les habitudes de consommation, il a aussi provoqué une transformation profonde du marché de l’emploi. En effet, l’émergence des travailleurs indépendants répond au besoin des entreprises d’embaucher des personnes externes pour réaliser une mission ou un projet spécifique. Si l’arrivée d’Uber a mis en avant ces profils, ils existaient déjà dans certains secteurs. C’est le cas notamment des journalistes pigistes dans la presse ou des employés saisonniers dans l’agriculture.
Cependant, si la flexibilité est l’un des principaux avantages de ce modèle, les limites commencent à apparaître. Tout d’abord, le salaire. Avec, pour beaucoup un statut d’indépendant ou auto-entrepreneur ces travailleurs sont rémunérés à la tâche. Ensuite vient la question de la ‘protection sociale’. En effet, ils n’en ont aucune en cas de licenciement abusif, n’ont pas droit à des indemnités de licenciement, aux congés payés, etc… Cela peut, à terme, conduire à une précarisation de ce statut.
A ce sujet, on entend, depuis quelques mois, des voix s’élever afin de remettre cela en cause. Preuve que la révolution est en marche, en Espagne, un livreur Deliveroo a obtenu gain de cause après une plainte pour licenciement abusif. D’autres procès sont attendus dans les prochains mois et leurs verdicts risqueront de faire jurisprudence. Un business model menacé ?
Pour y palier, le gouvernement souhaiterait s’inspirer du modèle scandinave basé sur la flexisécurité. Il permet aux entreprises et aux employés de se séparer facilement, en échange ces derniers bénéficient d’allocations chômage et autres avantages sociaux. Pour les organisations, elles pourront ainsi, selon leur niveau d’activité, diminuer leur masse salariale. Pour les seconds, cette flexibilité leur permet de changer d’emploi en fonction de leurs aspirations professionnelles, sans pour autant perdre leurs avantages sociaux. Enfin, grâce à la formation continue, les collaborateurs se retrouvent au cœur de leur projet professionnel.
La Gig economy a engendré d’importants changements, notamment dans l’organisation des entreprises afin de proposer, dans des délais de plus en plus courts, des services plus personnalisés. Si ce modèle symbolise le système économique actuel, il doit néanmoins être ajusté afin que les entreprises, ainsi que l’Etat s’adaptent à ces mutations. Résultat ? Les missions des services RH évolueront car outre la gestion des salariés, ils devront également gérer ces nouvelles ressources externes. En effet, ces derniers nécessitent une attention différente des collaborateurs internes. Heureusement, l’émergence des nouvelles technologies permettront aux organisations d’affiner leur connaissance de leurs collaborateurs et pourront agir en conséquence quand le besoin d’indépendants se fera sentir. Si le CDI et le CDD restent privilégiés, le marché du travail doit donc prendre la pleine mesure des changements à venir.