Le chemin du manager-coach passe par l’organisation apprenante

Mis à jour: December 10, 2024

By: Cornerstone Editors

9 MIN

L’heure du manager-coach a-t-elle enfin sonné ? Responsabiliser, donner de l’autonomie, être au service du collaborateur, aider chacun à se développer, répondre aux aspirations de la Génération Z … Ces recommandations, généralement associées à la posture de manager-coach, circulent depuis longtemps dans le monde du conseil en management. Les événements survenus depuis 2020 ont incontestablement accéléré leur succès et leur prise au sérieux par les organisations, sous l’effet d’un maître intraitable : la nécessité. Les confinements, puis l’essor du distanciel ont obligé les managers à se repositionner et à repenser leur fonction. Mais cette évolution ne sera pérenne que si elle s’appuie sur une transformation concomitante des organisations, avec un rôle central donné à la formation et au développement des compétences.


  • Qu’est-ce qu’un manager-coach ?
  • Quels sont les différents types de manager-coach ?
  • Le manager-coach : un nouveau rapport à l’erreur
  • Quelles conséquences pour l’organisation ?
  • La fin du manager-expert
  • Manager-coach : l’impératif de formation

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Il n’y a pas, à notre connaissance, de définition « canonique » du manager-coach. Selon les auteurs, l’expression peut désigner aussi bien, dans les faits, un manager traditionnel particulièrement à l’écoute et bienveillant, qu’un manager ayant suivi une formation rigoureuse de coaching et en appliquant les méthodologies à la lettre dans son management des équipes.


Selon l’International Coaching Federation, le coaching se définit comme « une alliance entre le coach et ses clients dans un processus qui suscite chez eux réflexion et créativité afin de maximiser leur potentiel personnel et professionnel. » L’idée est donc d’amener le coaché sur la voie d’un développement personnel qui lui permet de mieux atteindre ses objectifs.


Pour le manager, cela suppose d’instaurer avec les équipes et les collaborateurs une relation :

  • horizontale : le manager-coach ne se positionne pas en surplomb par rapport à ses collaborateurs, mais à côté, en soutien ;
  • de confiance mutuelle : le manager-coach fait confiance aux collaborateurs dans l’accomplissement de leur mission, le collaborateur a suffisamment confiance dans son manager pour lui demander de l’aide et lui faire des retours précis ;
  • d’écoute : le manager-coach accorde son attention aux commentaires, demandes et suggestions du collaborateur ; il recueille son avis par des questions ouvertes ;
  • dynamique : la relation s’inscrit dans le temps, repose sur un feed-back régulier, clair, non-ambigu et exprimé de façon constructive et positive.

Ces différentes dimensions s’inscrivent en faux par rapport à la conception traditionnelle du management, fondé sur une relation hiérarchique, un contrôle strict, des échanges relativement limités dans le cadre de l’entretien d’évaluation, parfois une tendance au micro-management et un feed-back irrégulier et lapidaire. Bien sûr, toutes les organisations n’ont pas la même culture managériale, et le delta à combler n’est pas le même partout. En moyenne, l’écart reste cependant important.



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En pratique, le management par le coaching peut recouvrir plusieurs réalités.

En matière de coaches, la référence inconsciente reste le coach sportif. Or il s’agit là d’un type de coaching assez spécifique, qui laisse peu de place à l’autonomie et à la participation. Le coach sportif donne d’une part des conseils à suivre, des instructions. Il s’efforce d’autre part de motiver le sportif, de l’aider à se dépasser. C’est un rôle inspirationnel, assez proche finalement de celui du manager-leader déjà promu depuis longtemps dans certaines organisations.


Le manager-coach peut également adopter une approche participative du management. Ici, il s’agit d’organiser le travail collectif et le partage de la décision, en faisant travailler ensemble les individualités très différentes qui composent l’équipe. La posture de coach s’exerce alors prioritairement à l’égard du groupe, tout en se déclinant dans les relations manager-collaborateur individuelles.


Le manager-coach peut encore se positionner en manager-ressource, dont la fonction est de créer un environnement favorable au succès, et de donner aux collaborateurs les moyens qu’ils demandent pour réussir (dans la mesure du possible). Sans se confondre avec un guichet ouvert, ce type de manager-coach est au service de ses collaborateurs, et se démène pour leur amener les moyens matériels, intellectuels et humains de se développer et d’accomplir toujours mieux leur mission.


Enfin, le manager-coach peut fonctionner comme un coordinateur, qui délègue différentes parties de ses responsabilités à ses collaborateurs. L’accent est mis ici sur la responsabilisation de chacun et sur l’autonomie des collaborateurs.

Bien sûr, ces différentes dimensions ne sont pas toutes incompatibles. Sur le terrain, c’est la culture et le projet de l’entreprise qui détermineront, souvent à l’usage, le mix particulier à chaque approche de manager-coach.


Qu’attend-on exactement du manager-coach ? L’idée générale est de favoriser l’empouvoirement des salariés, lui-même facteur d’engagement et de satisfaction au travail. Mais aussi de permettre à chacun de valoriser son potentiel, au bénéfice conjoint du collaborateur, de l’équipe et de l’organisation.


La posture de coach présente encore un autre avantage, lié aux autres : celui d’optimiser l’acquisition des compétences, grâce aux vertus pédagogiques de l’erreur. Le corollaire de la confiance et de la responsabilisation, c’est en effet de savoir lâcher prise sur le contrôle et autoriser les collaborateurs à se tromper. En effet, dans le processus d’apprentissage, l’erreur n’est pas une anomalie : c’est un moment indispensable de l’acquisition de la connaissance. Notre cerveau fonctionne par essais et erreurs, et une compétence « gagnée » par l’expérimentation sera mieux intégrée, mieux maîtrisée, moins livresque.


Pour que l’erreur soit profitable, cependant, il est essentiel que le climat de confiance règne. L’erreur tend à perdre ses vertus pédagogiques si elle se traduit par une perte d’estime de soi. Le manager-coach est donc là pour rassurer les collaborateurs à ce point de vue. Mais aussi pour lui suggérer des solutions ou des ressources : lorsque l’erreur se multiplie, là encore, l’apprentissage recule.



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Le passage à une version ou une autre du management-coaching ne peut cependant pas se concevoir sans une refonte globale de l’organisation et de son mode de fonctionnement. Bien sûr, cette refonte peut avoir eu lieu progressivement en amont, et ne relève pas nécessairement d’un changement brusque imposé depuis le sommet. C’est même rarement le cas. Les chronologies varient suivant les entreprises. Ce qui est certain, c’est que toutes les organisations n’ont pas abordé les crises des années 2020 avec les mêmes atouts : celles dont la culture managériale était déjà décentralisée et horizontalisée partaient avec un avantage.


Difficile en effet de décréter un passage au manager-coach si l’entreprise demeure hiérarchisée de façon rigide, et s’il n’existe aucun mécanisme pour identifier et corriger les dysfonctionnements. Dans une telle situation, le manager devient le réceptacle de toutes les tensions de l’entreprise, sans avoir davantage de moyens d’y faire face.


Par ailleurs, l’émergence du manager-coach suscite des questions nouvelles. En particulier, dès lors que l’on responsabilise les collaborateurs, ne leur transfère-t-on pas une charge supplémentaire ? Ne transforme-t-on pas leur poste ? Et si oui, comment reconnaître cette charge ? Comment l’accompagner ?


La position de coach n’est pas facile à définir, et moins encore à tenir. Elle est par nature incompatible avec le management directif, mais aussi avec le management paternaliste. Elle implique un changement de positionnement du leadership.


Enfin, l’un des piliers du coaching est l’indépendance du coach. Pour fonder la confiance, le manager ne peut pas se permettre d’apparaître comme une simple courroie de transmission de la hiérarchie. Bien sûr, une indépendance totale n’est pas possible dans le contexte de l’entreprise. Mais le manager-coach ne peut s’insérer que dans une organisation suffisamment horizontale et décentralisée. Ce qui pose, en filigrane, la question complexe des KPI sur lesquels le manager-coach sera suivi…


La France, traditionnellement, se caractérise par une culture du manager comme « meilleur d’entre nous ». Le meilleur expert est récompensé de son expertise par un poste de chef. Comme il est le meilleur, il sait mieux faire que les autres, et il peut leur indiquer la marche à suivre en toute circonstances. De plus, son prestige d’expert confère une autorité et une légitimité à son pouvoir surplombant. Ce n’est pas absurde sur le papier, mais en pratique ce modèle est inadapté à un monde où le changement est devenu la règle.


L’entreprise hybride, même après sa relative rétractation d’après-crise, demeure plus éclatée dans l’espace et dans le temps que ce qu’elle était auparavant. Dans les confinements, les erreurs de casting managériales se sont révélées. Les managers qui se reposaient sur la hiérarchie et la procédure ont été dépassés. Ceux qui, au contraire, misaient sur l’inspirationnel, l’autonomisation et la qualité de la relation humaine ont su s’adapter. Aujourd’hui, c’est toute la politique de recrutement des profils de manager qui doit être revue. Ce qui implique de toucher à des aspects profonds de la culture d’entreprise, à des habitudes acquises, mais aussi aux modes de reconnaissance de la performance et d’avancement de la carrière.


Au-delà des profils, la question de la formation est centrale. Le coaching ne s’improvise pas. Il repose sur un certain nombre de postures, de techniques, de méthodes et de références. Une partie du changement organisationnel passe donc par la mise à disposition des managers de formations au coaching. Ce qui passe quasi-nécessairement par l’expérience même du coaching : pour comprendre la posture de coach, il faut avoir été coaché soi-même.


Mais la formation ne concerne pas seulement les managers. Le management-coaching va de pair avec une vraie culture de l’apprenance et de la gestion des talents, à au moins deux niveaux :

  • Confier des responsabilités aux collaborateurs n’est envisageable que si l’organisation leur donne les ressources et les moyens de les assumer. Ce qui suppose, dans l’idéal, un accès libre à une vaste bibliothèque de contenus, via une solution LMS/LXP.
  • Le manager-coach vise à accompagner le collaborateur dans son développement personnel: c’est l’un des aspects essentiels de leur relation. Or l’accès aux compétences fait partie des passages obligés de ce développement.

Dans tous les cas, la mise en place d’une culture managériale fondée sur le coaching ne peut guère s’envisager sans déploiement d’une solution décentralisée et performante de gestion et de développement des compétences, qui vienne concrétiser une véritable attitude d’apprenance transversale à l’entreprise. C’est une condition indispensable pour susciter et entretenir l’agilité cognitive et collective nécessaire à affronter les défis de l’avenir. Les organisations n’ont pas fini de tirer toutes les conséquences de cette révolution managériale. Mais le point de départ obligé reste l’accès à la compétence.


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