Pour attirer et retenir les meilleurs candidats, la marque employeur doit refléter la situation et les valeurs réelles de l’entreprise, telles qu’elles sont vécues par les collaborateurs. C’est le seul moyen d’éviter les déconvenues et les départs prématurés. Mais comment convaincre les candidats de la sincérité de la marque employeur ? La parole spontanée des salariés de l’entreprise (employee advocacy) reste le meilleur vecteur. Encore faut-il qu’elle ait les moyens digitaux et managériaux de s’exprimer.
La marque employeur doit refléter l’expérience collaborateur
Sur le papier, le mécanisme est simple : une marque employeur soignée attire les bons profils et génère des recrutements réussis. La pratique, bien sûr, est plus nuancée. Il n’est pas rare que les candidats anticipent un écart entre la marque affichée et la réalité du terrain. La marque telle que formulée par la DRH ne traduit pas toujours fidèlement l’expérience de travail vécue par les collaborateurs.
Rappelons que 36 % des CDI sont rompus avant leur premier anniversaire, selon la Dares, et que le turnover a doublé en 20 ans en France. Or, certains experts évaluent le coût d’un recrutement raté à un montant situé entre 45 000 € et 100 000 €, suivant le type de poste. L’enjeu pour les entreprises est donc considérable, et la conjoncture ne fait qu’en accentuer l’importance : cet été, 95 % des employeurs français estimaient que le recrutement était plus difficile qu’avant la pandémie, en raison, pour 88 % d’entre eux, des exigences accrues des candidats. Les deux tiers de ces derniers avouaient se montrer plus difficiles aujourd’hui dans leur sélection d’emplois (enquête Isarta).
L’ambiguïté de la marque employeur est bien résumée par ce témoignage de candidat cité dans cette étude : « Pour moi, une entreprise qui ne communique pas, je vais me méfier, car ça laisse supposer qu’elle a des choses à cacher. Tout comme je vais me méfier d’une entreprise qui ne communique que des aspects positifs ». La cohérence du message compte autant que sa visibilité et son attractivité. La marque employeur sert à faire connaître l’entreprise, aux deux sens du mot « connaître » : elle permet aux candidats de savoir que l’entreprise existe, et de savoir quelle est sa culture du travail au quotidien.
Autant dire qu’une campagne de marque employeur efficace ne peut pas s’improviser. Elle doit s’ancrer dans une politique de ressources humaines globale, elle-même fondée sur une écoute systématique des retours des salariés. La marque employeur doit mettre en valeur les points forts de la culture d’entreprise tels qu’ils sont vécus réellement et identifiés par les collaborateurs. Elle doit être le reflet de l’expérience collaborateur. Les dissonances entre cette dernière et la marque employeur ne restent jamais longtemps cachées.
Les salariés ambassadeurs : le Graal du marketing RH
Quand nous cherchons à nous renseigner sur une entreprise, une personnalité, une œuvre ou un produit, nous ne nous contentons généralement pas de la page officielle qui lui est consacrée. Nous confrontons volontiers le discours promotionnel aux avis des critiques, des médias, des internautes. Les candidats au recrutement agissent de même. Ils ne s’arrêteront pas forcément à une critique ou à une louange isolée, mais rechercheront des informations convergentes.
C’est là que l’employee advocacy, le discours positif des collaborateurs sur l’entreprise, peut jouer un rôle considérable. Non pas à travers des témoignages pré-rédigés et trop mis en scène, bien sûr, mais par le biais d’interventions individuelles, dont le ton sonne juste et ne relève pas de l’apologétique pure.
La mobilisation des collaborateurs au service de la marque employeur ne se programme pas : elle se cultive. Le terreau en est l’expérience collaborateur, et une culture managériale qui incite à la participation et à la prise de parole. Dell a été un pionnier de la démarche, en créant dès 2010 sa Social Media And Communities University interne. Celle-ci visait à former les salariés à l’utilisation des réseaux sociaux, afin d’en faire des ambassadeurs certifiés des méthodologies et des métiers de l’entreprise. Résultat : dès 2018 , Dell comptait 16 000 collaborateurs actifs sur les réseaux (10 % de l’effectif mondial) et voyait chuter le nombre de commentaires négatifs en ligne sur sa marque de 30 %.
En France, l’exemple de Décathlon est souvent cité, avec une politique de marque employeur initiée dès 2011. La stratégie du groupe est d’unifier les collaborateurs derrière la passion du sport et de leur donner la parole via des vidéos, des interviews, des reportages et des contenus diffusés sur sa chaîne Youtube et les principaux réseaux sociaux. L’employee advocacy y est peut-être davantage « écrite », mais les contenus permettent indubitablement d’avoir un aperçu concret de la façon dont se passe le travail au sein du groupe. Une entreprise dans laquelle les relations de travail seraient très dégradées ne pourrait pas se permettre ce type de communication. Et les candidats le savent et le perçoivent.
Le digital au service de l’employee advocacy
Comment peut-on favoriser l’émergence de salariés ambassadeurs qui viennent faciliter la politique de recrutement ? Il y a, comme on l’a laissé entendre, une dimension managériale et RH fondamentale : la culture de l’entreprise doit être favorable à l’initiative, à la prise de parole, et les attentes des collaborateurs doivent être authentiquement prises en compte. Mais comment le faire savoir à l’extérieur ? Là où les entreprises étaient vouées, autrefois, à compter sur le bouche à oreille, le digital est venu apporter des solutions qui démultiplient la réputation des employeurs.
Les services de type Glassdoor permettent déjà aux salariés et anciens salariés de donner leur avis anonyme au sujet de leur employeur présent ou passé, en mode « TripAdvisor ». C’est ici que la nécessité d’une vraie politique RH d’expérience collaborateur montre toute son urgente nécessité : l’entreprise n’a pas la moindre prise sur les commentaires qui seront laissés sur la plateforme, à la vue de tous les candidats qui souhaitent se renseigner sur un employeur potentiel.
Mais l’expression des collaborateurs peut aussi être favorisée par la mise à disposition de canaux de communication dédiés ou non :
- les réseaux sociaux de l’entreprise, dont il est possible de donner les « clés » à des salariés, idéalement formés aux usages de ces canaux dans la tradition Dell ;
- le logiciel de recrutement utilisé par l’entreprise peut aussi permettre aux candidats d’entrer en contact avec les collaborateurs internes, soit dans le cadre d’un processus bien défini, soit par le biais de vidéos et de contenus ad hoc, ou encore de façon libre, suivant la politique de recrutement définie par les RH ;
- une fois la décision de recruter prise, l’interface d’intégration peut servir à mettre en relation les nouveaux recrutés et ses nouveaux collègues intra ou interservices, afin d’accélérer le processus d’onboarding.
Quelle que soit la forme qu’il emprunte, l’employee advocacy constitue en quelque sorte le couronnement d’une stratégie RH réussie. Ecouter les attentes des collaborateurs ; y répondre ; construire sa marque employeur en fonction des retours d’expérience ; communiquer la marque employeur de façon multicanale à travers le processus de recrutement, en exploitant toutes lespossibilités du digital ; c’est la démarche vertueuse qui est à rechercher en cette période de pénurie de talents.